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Chaque âme est brisée

Le nouveau film de Jean-Pierre Jeunet, The Big Bug, sorti aujourd'hui sur Netflix, n'a rien à voir avec son plus grand tube, Amélie. Le mécanicien visionnaire français a filmé une farce sur les robots, les gens, l'État et le Kama Sutra - et sur les positions dans lesquelles quelqu'un a qui.

Au milieu du XXIe siècle, le domaine des riches villas. Les robots domestiques cuisinent, divertissent les invités, gardent les maisons propres et surveillent les propriétaires, évaluant le pourcentage de sincérité dans les paroles des gens, l'ennui dans leurs actions et s'ils ont très faim. Des problèmes plus globaux - politique, économie, télévision, guerre - sont traités par des yonix, des androïdes de la dernière génération, tous sur le même visage - un visage prédateur et souriant d'un vieil homme dément avec de fausses dents et des yeux de terminateur. Un jour, Alice - une personne pas très jeune, mais très romantique qui aime le rétro - vient rendre visite à son nouvel ami Max avec son fils adolescent. La soirée n'est pas fixée : d'abord, un groupe de personnes s'entassent dans la maison - un ex-mari avec sa fiancée, une fille de dix-sept ans adoptée "après l'inondation aux Pays-Bas", une voisine âgée, son robot sexuel - et plus tard, il s'avère qu'il est impossible de quitter la maison. Il s'avère que des robots domestiques (oui, et un aspirateur aussi) ont décidé qu'il était trop dangereux d'être à l'extérieur, et maintenant ils retiennent des gens en otage.

Considéré comme l'un des représentants de la « nouvelle nouvelle vague », Jean-Pierre Jeunet a toujours regardé le monde avec l'innocente cruauté d'un enfant, pour qui le délicieux et le dégoûtant sont tout aussi merveilleux. "Delicatessen" (1991) et "City of Lost Children" (1995), filmés avec Mark Caro, racontaient le monde post-apocalyptique, surréaliste et tordu des monstres, des cannibales, des cyclopes, des insomniaques, et c'était monstrueux et beau. Le film de Jeunet Alien: Resurrection (1997) est devenu la partie la plus religieuse, ou plutôt hérétique, de la franchise Alien, et la douzaine de clones anormaux du lieutenant Ripley étaient effrayés et fascinés. Dans son film le plus réussi, le plus rentable et le plus culte, Amélie (2001), aussi doux qu'une croûte de crème brûlée, Jeunet a retourné les jumelles, zoomé sur le dégoûtant, zoomé sur le délicieux. A tel point que personne n'a remarqué à quel point cette Amélie Poulin est un monstre qui décide du destin des autres. Genet n'était plus en mesure de répéter l'enthousiasme multicolore d'Amélie, et ses films suivants - Les Longs Fiançailles (2004), Les Perdants (2009) et L'Incroyable Voyage de M. Spivet (2013) - semblaient aux spectateurs trop tendus. Les mécanismes et les techniques classiques de Genet - théâtralité, romantisme sombre, acceptation enfantine de toutes les horreurs de la vie, lumière vive et sauvage, gros plans qui vivent leur propre vie et fascination pour les détails - n'y ont pas fonctionné.

Mais ils ont travaillé à cent dans le Big Bug. Ceci, contrairement à "Amélie", n'est en aucun cas un film de bien-être, un "feel good movie" qui fait sourire le spectateur. C'est une satire dure, une farce philosophique, une comédie romantique avec des grillons frits et le slogan "Mort aux ennemis de la nation". Dans The Big Bug, il y a le débridage des meilleures comédies françaises (Genet, comme à son habitude, ne se prive pas du plaisir de montrer à ses héros les classiques - cette fois avec Fernandel), surjouage réel, idiotie croissante, action de super-héros, grand bonjour à tous les grands, de Buñuel à Orwell. Les robots domestiques organisent des rencontres clandestines, découvrent s'ils ont une âme, citent Corneille et Shakespeare. Les gens se portent volontaires pour participer à l'émission télévisée humiliante "Homo Stupid" et donnent leur foie pour le foie gras humain.

Les acteurs - et Zhenya collectionne à nouveau ses favoris - se rendent à cette honte de manière désintéressée. Claude Perron dans "Amélie" jouait une fille d'un sex-shop, Isabelle Nanti ("Aliens" de Poiret, "Été 85" d'Ozon, "Une belle histoire" de Lelouch, "Pas sur les lèvres" d'Alain Resnais) dans "Amélie" a fait l'amour dans les toilettes, André Dussolier (il a joué dans Truffaut, Lelouch, Chabrol, Romer, Blier, dans de nombreux films d'Alain Resnais) dans "Amélie" était le narrateur. Et bien sûr, l'acteur fétiche de Jeunet - Dominique Pignon - y figurera également un court instant, mais on ne le verra guère. Et il ne nous verra pas.

L'univers de Genet est toujours détaillé et convaincant, car tous les mécanismes de cet univers doivent être fixés. Tout est cassé dans Big Bug, des relations aux tongs, des robots sexuels à Big Brother. Ce film peut être perçu comme une critique de la société moderne, dans laquelle les lois sont illogiques, les autorités séniles deviennent des organes de répression, et une petite connaissance ne se lève pas au moment le plus crucial. Mais en commençant The Big Bug comme une histoire sur la relation entre maîtres et serviteurs (dans ce cas, humains et robots), Genet saute rapidement Downton Abbey et Parasite. Les humains et les robots, c'est-à-dire la bourgeoisie et la classe ouvrière, ont un ennemi : l'État. Pire encore, les humains et les robots partagent le même bug : l'âme. Et que faire avec ? demande Jeanne.

Détendez-vous, répondent ses héros, et profitez-en.

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